Brightburn : Plus gore, moins loin
Les super-héros ayant le vent en poupe, il n’est pas surprenant de voir les codes être déclinés de toutes les façons possibles au cinéma de nos jours. Voici donc Brightburn, […]
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Les super-héros ayant le vent en poupe, il n’est pas surprenant de voir les codes être déclinés de toutes les façons possibles au cinéma de nos jours. Voici donc Brightburn, […]
Les super-héros ayant le vent en poupe, il n’est pas surprenant de voir les codes être déclinés de toutes les façons possibles au cinéma de nos jours. Voici donc Brightburn, la version dite « horrifique » du genre, qui se résume simplement ainsi : « Et si Clark Kent était devenu méchant ? ». Ou en d’autres termes : « Et si Clark Kent était devenu un type normal, comme nous ? ». L’horreur. Ce concept morose, déjà exploité jusque dans ses dernières limites dans les comics depuis des décennies, et même au cinéma à plusieurs reprises, n’appelle vraiment qu’à une seule question : son traitement saura-t-il se démarquer pour proposer quelque chose de remarquable ? Vous pouvez lire la critique qui suit, mais sachez d’ores et déjà que la réponse est non.
Est-il vraiment besoin d’un synopsis ? Allez : un petit vaisseau alien s’écrase près d’une ferme isolée en Amérique. Le nourrisson qu’il contient est recueilli par un couple qui l’élève comme leur propre fils, avec tout l’amour dont ils sont capables. Aux alentours de ses 12 ans, le garçon nommé Brandon commence à montrer des signes d’instabilité inquiétants…
Cela vous semble familier ? C’est l’objectif. Brightburn est un film contradictoire en cela qu’il compte sur le fait que les spectateurs connaissent par cœur les origines de Superman afin de pouvoir en jouer, tout en créant une diégèse dans laquelle les fictions super-héroïques, ou même mythologiques (voire même les films d’horreur, hein), semblent ne pas exister du tout. Si le film lui-même existe donc principalement en rapport avec un point de référence pop culturel précis, son univers est dénué de tout héritage narratif. Brandon se découvre lentement des pouvoirs hors du commun, et ses parents réagissent bien trop tard aux changements incompréhensibles affectant leur fils, sans que personne ne prenne jamais en référence une idée similaire traversant des millénaires de fiction humaine, ce qui leur donnerait au moins l’avantage de pouvoir partiellement anticiper les événements. Soit. Il ne s’agit pas vraiment d’une critique, seulement d’une observation, même s’il est vrai qu’une telle approche demande un énorme effort de suspension d’incrédulité chez le spectateur. Une chose intéressante en émerge cependant : Brandon imagine et se fabrique maladroitement un costume maison composé d’une cape et d’une cagoule, comme si le motif visuel du surhomme de comic book faisait partie intégrante de sa psyché, mais qu’il était inconnu des terriens.
Nous sommes donc plongés dans un monde a priori vierge de tout concept d’übermensch, et qui représente par conséquent le terrain de jeu parfait pour le développement d’une déconstruction intelligente dudit mythe. Seulement voilà : beaucoup a déjà été dit sur ce sujet précis, notamment sous la plume virtuose de plusieurs scénaristes de comics, comme Mark Waid (Irredeemable) et surtout Alan Moore (Kid Miracleman dans la série Miracleman, terminale et toujours sans égale), sans compter les nombreux Elseworlds, par exemple DC House of Horror #1, petite anthologie comprenant l’histoire courte Bump in the Night, qui résume avec concision et beaucoup plus de fun la quasi-entièreté des idées composant Brightburn.
Le film réalisé par David Yarovesky (produit par James Gunn et écrit par des membres de sa famille) s’arrête là où il commence conceptuellement parlant, se contentant de nous montrer laborieusement que la présence d’un tel surhomme sur Terre résulterait en une série d’irrépressibles carnages. Présenté comme un film d’horreur, Brightburn a peu à offrir sur tous les plans : aucun effroi n’émerge d’une idée rassise bénéficiant d’un traitement inexistant, et ses seuls intérêts semblent se trouver dans des scènes gores très rapides (Lucio Fulci aurait sans doute apprécié), et quelques pistes de world-building qui feront sans doute discuter les grands amateurs d’encapés (Brandon a-t-il été envoyé pour nous conquérir, telles les guêpes dont il parle en salle de classe ? Est-il manipulé par son vaisseau ? En a-t-on quelque chose à foutre ?).
Yarovesky, qui signe ici son deuxième long-métrage (nous n’avons pas vu The Hive, sorti en 2014), déroule un récit regardable qui ne contient strictement aucune surprise, aucune personnalité, ne revêt pas le moindre intérêt par-delà la simple illustration d’un scénario qui a bien du mal à capter l’attention. Parmi les plus gros problèmes siège sans doute l’écriture des personnages entourant Brandon, qui sont tous des clones au comportement identique. L’ensemble des habitants de la ville de Brightburn dans la laquelle se déroule l’histoire semblent tout droit sortis d’une utopie, à tel point que le monde qui nous est présenté ne prend jamais corps, ne paraît jamais tangible ni crédible. Il faut attendre que Brandon casse la main d’une camarade de classe pour qu’un personnage réagisse de manière compréhensible.
Et lorsque les meurtres démarrent, on serait en droit de s’attendre à ce que cette communauté idyllique soit plongée dans un chaos total, soit déchirée de part en part en raison de la violence des événements. Là encore, le script esquive tout défi de caractérisation, se recentrant sur la cellule familiale, qui pédale longuement dans la semoule avant d’atteindre le dénouement.
L’idée centrale à retenir du film est sans doute la question de l’inné et de l’acquis, car bien que Brandon ait eu une enfance confortable et vive dans une famille qui l’aime et le soutient, sa véritable nature finit par prendre le dessus malgré tous les efforts de ses parents. La question se pose également pour eux, car bien qu’ayant aimé le garçon comme leur propre progéniture depuis son arrivée, ils sont amenés à prendre des décisions qui pourraient aller à l’encontre de leurs devoirs parentaux. La problématique est certes intéressante, et la conclusion fataliste du film a au moins le mérite de rester cohérente, mais le résultat reste bien superficiel étant données les possibilités qui se présentaient au cinéaste.
Continuation logique d’un cycle de production cinématographique obsédé par les super-héros, Brightburn se veut être une alternative osée mais oublie l’histoire du cinéma et des histoires, n’arrivant jamais à rivaliser ni avec les films de super-héros les plus proches conceptuellement parlant (Chronicle, déjà pas terrible, lui est bien supérieur en termes de caractérisation et de mise en scène), ni avec les films d’horreur dont la plupart sont plus audacieux ou généreux. Restent des bribes d’idées à retenir qui, si suite il y a (ce que les créateurs semblent espérer au vu de la scène post-générique), pourraient théoriquement être exploitées à bon escient. En attendant, rien de tout ça ne fait un bon film.
Brightburn — Sortie le 26 juin en francophonie
Réalisé par David Yarovesky
Avec Jackson A. Dunn, Elizabeth Banks, David Denman