TIFF 2016 – In The Blood, l’ennemi intime
Présenté ces jours au Toronto International Film Festival, In The Blood marque la première réalisation d’un scénariste aguerri, avec lequel nous avons par ailleurs pu nous entretenir. Rompant avec ses […]
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Présenté ces jours au Toronto International Film Festival, In The Blood marque la première réalisation d’un scénariste aguerri, avec lequel nous avons par ailleurs pu nous entretenir. Rompant avec ses […]
Présenté ces jours au Toronto International Film Festival, In The Blood marque la première réalisation d’un scénariste aguerri, avec lequel nous avons par ailleurs pu nous entretenir. Rompant avec ses précédents travaux plus ancrés dans le cinéma de genre, Rasmus Heisterberg réalise un film modeste et intime qui s’inscrit néanmoins dans la continuité thématique de son œuvre. Drame existentiel à l’atmosphère planante, In The Blood confirme le talent d’écriture de son auteur et présage d’un metteur en scène tout aussi passionnant.
Scénariste passé par de multiples genres, le Danois Rasmus Heisterberg est surtout connu pour ses travaux en duo avec Nikolaj Arcel : les deux hommes ont co-écrit la première adaptation de Millénium, le second opus des Enquêtes du Département V, ainsi que tous les films réalisés par Arcel lui-même, dont le magnifique Royal Affair. Tandis que son compère s’attèle à la mise en images du cycle La Tour sombre de Stephen King, Heisterberg passe quant à lui derrière la caméra avec In The Blood.
Durant tout un été à Copenhague, l’on suit le quotidien de Simon (le très prometteur Kristoffer Bech), brillant étudiant en médecine qui passe la majeure partie de son temps à écumer les boîtes en compagnie de ses trois colocataires, dont son meilleur ami Knud (l’excellent Elliott Crosset Hove, vu récemment dans Parents). Mais arrive bientôt pour le quatuor le temps du changement. À l’automne, Simon rêve de partir en Amazonie pour prendre part à un projet d’étude d’un semestre. Il espère entraîner Knud avec lui, mais ce dernier n’est pas si emballé par l’idée. Extrêmement possessif, Simon craint de le voir s’éloigner. Son univers menace alors davantage de s’écrouler lorsque ses deux autres colocataires envisagent de revendre l’appartement pour partir chacun de leur côté.
Premier film oblige, on pouvait s’attendre à une mise en scène qui se contente d’illustrer platement son scénario, ou encore, au vu de son pitch, à un récit vain sur le désœuvrement de la jeunesse aisée façon Bling Ring qui, à force de filmer du vide, ne raconte strictement rien. Bien au contraire, si In The Blood reste une histoire relativement classique de passage à l’âge adulte, il se révèle aussi abouti thématiquement que visuellement.
Et pour cause : dans le processus de fabrication d’un long-métrage tel que le conçoit Heisterberg, la thématique est l’élément le plus important. Selon lui, le cadre, l’intrigue et les personnages sont secondaires. Le récit doit avant tout véhiculer des thèmes forts, qui vont alors dicter les scènes et les figures qui y évoluent. Ainsi, même lorsqu’il adapte un fait historique (Royal Affair), sa démarche se construit en premier lieu sur ce que peut évoquer cette histoire vraie (en l’occurrence, une réflexion sur les normes sociales, l’emprisonnement et le désir de liberté). Pour In The Blood, Heisterberg explique avoir épuré au maximum son récit pour se concentrer sur son propos et l’exprimer principalement par l’image. Une profession de foi qui rassurait d’avance quant aux éventuelles craintes de voir « un film de scénariste », lesquelles sont immédiatement balayées à la vision du métrage.
In The Blood ne perd ainsi jamais de vue ses thèmes, chaque scène participant à leur développement. Tout est en effet construit autour du refus de grandir du protagoniste. Au début du film, Knud doit faire face à une difficile rupture. S’il veut gérer ça en adulte, il est poussé par Simon à agir de manière régressive. Plus tard, lorsque l’un des quatre amis apprend aux autres qu’il s’installe pour de bon et va devenir père, Simon refuse de se réjouir et s’avère terrifié par cette idée. Pour lui, le voyage en Amazonie constitue une échappatoire, l’opportunité de fuir ses responsabilités : « Là-bas, personne ne te dit quoi que ce soit, personne ne se souvient de quoi que ce soit. On disparaît pendant six mois ! »
Prolongeant les thématiques de ses précédents scénarios, Heisterberg embrasse ainsi pleinement son sujet et révèle d’indéniables compétences de metteur en scène. Loin du film social grisâtre et plan-plan, In The Blood offre de vraies belles couleurs et baigne dans une atmosphère onirique particulièrement envoutante. Le récit part en effet dans une véritable introspection, le rêve d’évasion de Simon étant littéralement matérialisé à l’écran par une série de visions qui prennent de plus en plus d’importance au cours du film. Par un jeu de surimpressions et fondus enchaînés, réalité et fantasme se mélangent, l’Amazonie se superpose à Copenhague et Simon se retrouve soudain à arpenter la jungle, avant que le réel ne vienne brusquement reprendre sa place.
Pour sa première réalisation, Rasmus Heisterberg livre une œuvre très personnelle, belle et touchante. On attend donc impatiemment son prochain projet, qui devrait marquer son retour au cinéma de genre.
IN THE BLOOD
Réalisé par Rasmus Heisterberg
Avec Kristoffer Bech, Elliott Crosset Hove
Date de sortie inconnue
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