Journées de Soleure – À l’école des philosophes
Pour son nouveau documentaire, Fernand Melgar a suivi cinq enfants souffrant d’un handicap mental lors de leur entrée en école d’enseignement spécialisé. Étalé sur une année, le film rend compte […]
Site consacré au cinéma proposant des articles de fond et documentés.
Pour son nouveau documentaire, Fernand Melgar a suivi cinq enfants souffrant d’un handicap mental lors de leur entrée en école d’enseignement spécialisé. Étalé sur une année, le film rend compte […]
Pour son nouveau documentaire, Fernand Melgar a suivi cinq enfants souffrant d’un handicap mental lors de leur entrée en école d’enseignement spécialisé. Étalé sur une année, le film rend compte de l’évolution de chacun. Une manière pour le cinéaste de se distancer des sujets politiques sans perdre de vue ses préoccupations sociales. Mais, comme la filmographie du cinéaste nous l’a pratiquement systématiquement rappelé, les intentions ne font pas forcément des bons films.
Les 53es Journées de Soleure se sont ouvertes jeudi passé. Il revenait à Fernand Melgar l’honneur d’inaugurer la fête du cinéma helvétique avec son nouveau documentaire À l’école des philosophes. Après les discours forcément très politiques du Président du festival, de sa directrice artistique et du Président de la Confédération – tous articulés autour des prochaines votations sur la redevance Radio-TV – c’est au tour du réalisateur de monter sur scène et d’introduire son film. « Ne vous inquiétez pas, je ne vous parlerai pas de Billag », dit-il en riant. Quelques secondes plus tard, il se lance dans un plaidoyer pour le service public. Nous n’en attendions pas moins d’un tel événement, la production cinématographique nationale (largement soutenue par la SSR) étant incontestablement impactée par le résultat. Mais alors, pourquoi cet effet de manche ? De notre point de vue, il est révélateur de la démarche du cinéaste. Ne déclarait-il pas, à l’époque de Vol spécial déjà, ne pas faire des films politiques, avant de poursuivre « À chacun son travail. Je suis réalisateur et non politicien. Je suis témoin de la réalité. Mon travail est celui de montrer des faits » ? Quoi qu’il en soit, nous ne pouvions que nous réjouir de voir Melgar passer à autre chose, abandonner les sujets politiques (dans lesquels ils commençait sérieusement à tourner à rond) pour se tourner vers un projet moins engagé. Malheureusement, le résultat est loin d’être plus satisfaisant, le réalisateur semblant toujours aussi maladroit dans sa manière de « témoigner de la réalité ».
Il faudrait déjà savoir de quelle réalité il est question. À vrai dire, À l’école des philosophes ressemble davantage à un reportage télévisuel de luxe qu’à un véritable documentaire de cinéma. En témoigne cette absence totale de véritable sujet. S’agit-il d’un film sur ces enfants handicapés, sur leurs parents, ou sur les éducatrices spécialisées ? À l’issu de la projection, il nous est impossible de répondre à cette question tant la démarche de Fernand Melgar se perd dans une volonté de servir un portrait quasi publicitaire de l’institution. Lâchant systématiquement son sujet pour passer à la « scène utile » suivante, la caméra ne permet à aucun moment de saisir la présence atypique de ces enfants au monde. Parce qu’il ne tente jamais de capter sa dimension insondable, le handicap restera au final non questionné et, par conséquent, non traité. La pratique devient sérieusement gênante quand il s’agit de satisfaire les attentes voyeuristes du spectateur. Soigneusement (et stratégiquement) disséminées sur toute la durée du métrage, des séquences viennent servir les réponses aux questions les plus triviales et hors propos que nous pouvions nous poser, telles que « comment les parents l’ont-ils appris ? ».
L’absence de point de vue est parfois salutaire. Il suffit pour s’en convaincre de revoir n’importe quel documentaire de Frederick Wiseman. La difficulté d’une telle approche est son incompatibilité stricte avec la moindre scène écrite ou encouragée. Or ici, et comme dans la majorité des films de Fernand Melgar, de nombreuses scènes trahissent une écriture abondante. Lors des témoignages des parents évoqués ci-dessus, c’est à peine si nous n’entendons pas encore la question que leur adresse le cinéaste. Pris au piège d’une démarche envahissante, les parents semblent ainsi s’efforcer de regarder leur enfant dans les yeux, alors qu’ils s’adressent directement à l’audience. Étrange témoin de la réalité que celui qui n’accepte pas se laisser surprendre par la vie qui passe devant ses yeux.
Jusqu’à son titre (une reprise du nom de l’institution filmée sans qu’il ne soit jamais question de lui donner du sens), À l’école des philosophes ne parvient pas à honorer quoi que ce soit, à l’exception peut-être d’une commande. Il est des sujets qui nécessitent du temps pour être sondés, Wang Bing en sait quelque chose. Ici, la préoccupation première semble avoir été le respect d’un cahier des charges basé sur la description ainsi que sur l’hommage rendu aux parents et au travail – admirable – d’une équipe de professionnels. Pour les émotions et le cinéma, on repassera.
À L’ÉCOLE DES PHILOSOPHES
Réalisé par Fernand Melgar
Date de sortie : inconnue